Titouan Project : "Pour nous, la scène, c'est un exutoire"


17 mai 2022

Projet artistique mélant musique et danse, c'est un véritable moment d'émotions que Titouan et Alex cherchent à partager sur scène. L'instigateur de la formation, Titouan, nous a accordé une interview :

Qu'est-ce que c’est le projet Titouan ?  

Alors le projet, c'est un projet de musique, de mélange de hip hop, de musique du monde, de jazz, avec beaucoup d'instruments à vent, c’est la matière sonore principale. Et pas mal de travail à l’ordi, pas mal de machines, je travaille avec un looper, avec des pédales d’effet de guitare, plusieurs choses. La particularité, c’est que sur scène, c’est un duo qui met sur un pied d'égalité danse et musique. On est 2 sur scène donc, et depuis quelques années maintenant, on travaille aussi en Quartet avec deux techniciens, Maxime Fieux Monsieur et Olivier Henchley, respectivement au son et à la lumière, qui nous accompagnent et qui ont pris part à toute la direction artistique du spectacle depuis tout ce temps. 

 

Comment est venue l'idée d'associer musique et danse ? 

Depuis le début de ma carrière d'artiste musicien, j’ai toujours bossé avec des compagnies de danse avec des danseurs, des danseuses. Mon premier projet en tant qu’artiste professionnel, c'était avec une compagnie de danse sur Paris, la compagnie DK-BEL où ensemble, on a construit un spectacle qui est une réadaptation version hip hop du joueur de flûte de Hamelin. Par la suite, j'ai participé à beaucoup de projets différents et dont une grande partie, mêlés musique et danse, mais vraiment sur cette idée de pied d'égalité. Et quand j'ai monté le projet Titouan, parce que c'est un projet solo à la base -ça l'est encore dans toutes les productions studio, dans les collaborations, d'où le nom aussi- donc quand j'ai monté ce projet, j'avais à cœur de garder ce lien avec la danse. Et du coup, au début, j'ai beaucoup travaillé avec plein de danseuses, de danseurs que je connaissais, qui bossaient en improvisation et on se connaissait avec Alex depuis quelque temps. Et le jour où il est intervenu et on a partagé le spectacle ensemble, on a partagé la scène, ça a vraiment marché en termes d'univers et on s'est dit ‘vas-y on va continuer ce projet en duo’. 

 

Justement, comment se fait la rencontre entre Alex et Titouan ? 

Difficile de dire comment la rencontre entre nous deux s'est faite exactement, mais je crois que c'était au hasard du réseau de soirées où l’on s'est vu sur scène mutuellement de potes en commun qui a fait que, au bout d'un moment, on avait changé les contacts et je lui ai proposé de passer sur un concert. 

Où est-ce que t'as appris à jouer de tous les instruments ? 

La musique, elle part d'un mélange d'une histoire d'amour un peu niaise et de voyage je crois. À la base, j'ai eu la chance de beaucoup voyager, notamment en Afrique subsaharienne avec ma mère et là-bas, dès 8 ans, en fait de bosser avec des gamins de famille de griots sur place. Donc, ça m'a vraiment fait me mettre à la percussion, au rythme en général. Et en parallèle, je me suis mis à la clarinette quand j'étais gamin, j'ai fait quelques années dans une petite école de musique de village et sur la fin, l'enseignement académique m'a dégoûté de l'instrument, je n'en ai pas refait pendant toutes les années collège et lycée. Mais j'ai repris à la fin du lycée, avec des amis à jouer dans des groupes de rock, enfin faire plein de trucs dans ce style et le tout à l’oreille, vraiment.  

Et derrière je me suis mis à la flûte traversière, au saxophone, beaucoup au looper, à l'écriture, au beatbox et à expérimenter comme ça, en autodidacte. Je pense que ce qui m'a vraiment permis de pousser ça au bout, c'est précisément le fait d'avoir monté ce projet. Parce que la volonté, à la base, dans le projet Titouan, c'était de pouvoir faire de la musique seul mais en tant qu'instrumentiste à vent. Et du coup, comment, vu qu’on a, par définition la bouche est prise, vu que ce sont des instruments à vent, et qu'en plus de ça, ce sont des instruments qui produisent un seul son à la fois, comment on fait pour arriver à proposer quelque chose de complet ?  J'ai découvert par la suite qu'il y avait plein de manières de le faire, mais pour ma part, ça a été vraiment le fait de travailler avec des machines et parce que c'était des esthétiques qui me plaisait, je suis beaucoup parti dans cette fusion de hip hop et de musique du monde. C'est ça qui m'a amené à découvrir plein d'instruments différents.  Après, je fais principalement mes instruments à vent, mais pour me soutenir là-dedans, je me suis mis au piano, beaucoup à la MAO, à différentes choses quoi. Et maintenant au gré des concerts et des performances que j'ai l'occasion de faire, je me retrouve aussi à faire un peu de guitare, de la percussion, tout un tas d'instruments que je maîtrise beaucoup moins que les instruments à vent. 

Comment tu pourrais qualifier ta musique, en un style précis ou c’est vraiment un mélange de plusieurs genres ?  

C'est difficile de qualifier ce que je fais musicalement. Néanmoins, je pense que les influences principales restent le hip hop pour l'approche rythmique, pour les structures et la dynamique qu'il y a derrière, la musique du monde pour les couleurs que je vais chercher, particulièrement dans le jeu aux instruments à vent, beaucoup de Balkans, beaucoup de musiques subsahariennes, beaucoup de musiques du Moyen-Orient, un peu de musique indienne parfois, d'Amérique du Sud et beaucoup de jazz et de classique dans les arrangements. 

Alex, il n'est pas avec nous aujourd’hui, mais tu peux nous parler un peu de son parcours de danse ? D'où ça vient ? 

C'est dommage, ça aurait été plus chouette qu'il puisse le dire, mais Alex est danseur depuis qu'il a 11 ans. C’est vraiment un art qui a toujours été présent dans sa vie, il a pas mal de membres de sa famille, particulièrement, une tante qui est danseuse et qui lui a apporté ça. Et il a toujours travaillé avec des compagnies, était dans la danse depuis tout ce temps. C’est, au sortir du lycée, qu’il s'est dit qu'il avait envie de passer le cap et qu'il a fait une formation pro avec Lullaby, une compagnie de danse qui dispense des formations professionnalisantes pour danseurs sur Bordeaux. Après avoir fait cette formation en 3 ans, il a travaillé dans différentes compagnies, ici et ailleurs, et au final maintenant, en fait on travaille beaucoup ensemble et je pense que, outre quelques remplacements, le projet Titouan est surtout le projet sur lequel il danse parce qu'en fait, il bosse beaucoup en tant que musicien solo maintenant aussi. Il travaille beaucoup sur son projet solo Ex-Cell. C'est un projet sur lequel il bosse beaucoup maintenant. 

Votre performance sur scène, qu'est-ce qu'elle cherche à raconter ? 

Notre volonté sur scène, c'est avant tout de faire vivre les émotions qu'on ressent aux gens qu'on a en tant que public qui se trouve face à nous. Je crois pouvoir parler au nom d'Alex pour en avoir beaucoup discuté tous les deux, pour nous, la scène, c'est un exutoire, c'est une façon de transmettre des messages, mais aussi un espace de lâcher-prise, de catharsis quoi. Plus ça va, plus le projet avance, et puis sur scène, quand les cadres s’y prêtent bien sûr et bien, on se retrouve à vivre des émotions hyper fortes tous les deux, à vraiment lâcher prise, à partir presque dans des états de transe, vraiment à aller chercher loin dans l'interprétation et dans ce que ça nous fait ressentir. Et l'idée, c'est de pouvoir partager ces émotions avec le public qui nous voit. Ça se traduit dans les propos des textes, dans l'expressivité de la danse de Alex aussi, qui va faire passer toute une palette d'émotions à travers le mouvement, le regard et dans ce qu'on met en termes de ressenti émotionnel, dans la façon qu'on va avoir de l'interpréter. C'est ça, la volonté qu'on a derrière ce spectacle. 

 

Est-ce que ça vous arrive d’improviser sur scène ? 

On improvise énormément sur scène. Pour ma part, si les structures des morceaux sont fixes, une grande partie des solos d'instruments à vent sont improvisés. Ça, pour plusieurs raisons. C'est chouette de faire de l'impro, ça permet d'avoir encore plus cet espace de lâcher-prise et en plus de ça, ça permet un peu de capter la dynamique du moment et d'adapter un peu le spectacle à l'espace dans lequel on se trouve. C'est aussi notre interprétation qui est improvisée à pas mal de moments. Si, on sait la façon dont on va interpréter les différents morceaux, les différents tableaux, à l’avance, on a quand même une marge de manœuvre dans le sens où dans certains cadres, on va interpréter certains morceaux avec rage, dans d’autres on va aller jouer d'une façon plus posée, c'est selon notre ressenti du moment et l'énergie que nous renvoie le public aussi. Pour ce qui est d’Alex, de sa danse, oui, il y a beaucoup d'improvisations, mais c’est ce qu'il appelle une improvisation dirigée, à savoir que, au gré des morceaux, il sait un peu dans quelle dynamique de mouvement il est censé être et quelle émotion il est censé transmettre. Mais pour autant, les mouvements ne sont pas écrits, mis à part certaines chorégraphies qui sont vraiment écrites ou surtout beaucoup de point de rendez-vous. Parce que pour ma part, je ne danse pas non plus, mais je suis très présent physiquement aussi, beaucoup dans la gestuelle, dans de l'attitude et on a beaucoup de passage où on a des gestuels communes pour vraiment créer la connexion entre les deux arts. Ça c'est des passages qui sont écrits. Le reste du temps, il est beaucoup dans l’improvisation et moi, pour la partie soufflante et pour l'interprétation, je le suis pas mal aussi. 

 

L'artiste avec qui tu rêverais jouer, ça serait qui ? 

Bonne question. Je pense que l'artiste avec lequel je rêverais jouer, ça serait Ibrahim Maalouf. Parce que c'est un musicien qui m'inspire beaucoup, déjà, dans son approche de la musique, les univers qu’il va explorer, cette fusion de jazz et de musiques du monde, les arrangements assez pop. Enfin, je me retrouve beaucoup dans ce qu'il propose. Mais aussi du peu que j'en sais pour l'avoir vu en concert, le suivre sur les réseaux sociaux, avoir vu des interviews, j'aime la réflexion qu’a le personnage et ce que veut dire pour lui la musique et l'art en général, en termes d'engagement aussi, de ce que ça peut faire vivre et faire évoluer dans des vies. 

En lien avec ma dernière question, qui est-ce qui vous influence ? 

Du fait de la multitude des influences qu'il y a dans ce que je propose musicalement, c'est difficile de citer un artiste ou quelques-uns en particulier. Je pense qu'en fonction des morceaux, Ibrahim Maalouf y est un petit peu présent mais c'est plutôt des styles de musique. Pour ma part, j'écoute beaucoup de musiques africaines, pas mal de jazz, beaucoup de de hip hop, particulièrement du Hip-hop américain et anglais, très peu de rap français et plein d'autres styles : beaucoup de musique classique, un peu de musique électronique, beaucoup de musiques du monde encore que, c'est difficile de définir la musique du monde, c'est juste tout un tas de styles qui sont regroupés là-dedans.  Je pense qu’au gré des au gré des découvertes, des écoutes, tout ça quelque part, ça mâture dans ma tête et c'est une fusion de tout ça qui ressort au moment de composer. Après, en fonction des morceaux que je compose, souvent je me mets dans une dynamique spécifique. J'ai une idée de l'orientation dans laquelle je veux partir. Et du coup, je vais beaucoup écouter de morceaux qui me paraissent relié par rapport à ça. Par exemple, il n'y a pas longtemps j'ai composé un morceau qui est très inspiré à la fois, de hip hop, de rap US et de musiques des Balkans, particulièrement des musiques juives des pays de l'Est, klezmer, tout ça. Et pour me mettre dans la dynamique, j'ai vraiment écouté beaucoup d'artistes, beaucoup de morceaux qui me paraissaient relier à ça pour pouvoir me plonger dans cette dynamique. 

Ton processus de création, ça se passe comment, t’écris la musique et après Alex il crée sa chorégraphie par-dessus ? Comment ça se passe ? 

Dans la majorité des cas, c'est moi qui fais les compositions et l'écriture de textes aussi. Bien sûr, Alex intervient pour donner son oreille de temps en temps, Alex et les autres membres du projet. Mais c'est principalement moi qui me charge. Et après, on se retrouve en résidence avec toute l'équipe, par exemple, dernièrement, on a fait une résidence au Barp pour préparer notre tournée des petites scènes de l’Iddac. À cette occasion, on a construit toute la chorégraphie, même toute la mise en scène d’un nouveau morceau, ‘Fragment’ qui sera sur un prochain EP et donc ce morceau on peut le prendre pour exemple : Je l'avais composé seul à la base lors d'une résidence en solo, je l’ai bossé pour pouvoir l'interpréter et après on a commencé à réfléchir ensemble à toute la mise en scène, comment Alex pouvait exprimer l'idée derrière le morceau. Après, ça ne s'est pas toujours fait comme ça. Il y a eu des moments où le morceau était composé en résidence un peu collectivement, mais ça s'est peu fait, et ça fait quelques temps maintenant qu'on fonctionne de cette façon. 

Pour faire en sorte qu'on soit raccord sur ce que veut dire le morceau en termes d'énergie, d'émotion derrière. Pour les morceaux à texte, c'est assez limpide, le texte parle de lui-même, mais pour les morceaux instrumentaux, c'est parfois plus difficile à capter. Du coup, en général, on prend beaucoup le temps de discuter de ce que, pour moi, veut dire émotionnellement morceau. Et chacun des membres de l'équipe essaye de se saisir de ce que ça peut vouloir dire chez lui pour pouvoir l'interpréter au mieux de son côté. 

Est-ce que vous allez garder la composition du projet comme tel ou c’est envisageable, dans le futur, d'amener d'autres musiciens ou d'autres danseurs ? 

À court terme, il n'est pas envisagé de bosser avec d'autres personnes que nous deux sur scène. Mais si le projet continue à grandir, l'idée par la suite sera sûrement de faire venir un batteur sur scène avec nous pour avoir une dynamique supplémentaire, pouvoir avoir des morceaux un peu plus joués, un peu plus minimaux aussi parfois, se détacher un peu plus des machines et peut-être qu’Alex passe un petit peu à des parties musicales au moins dans nos voix de samples, des machines, ce genre de choses. Mais bon, pour le moment ce n'est pas d'actualité. L'idée, derrière le fait d'être un danseur et un musicien sur scène aussi, c'était de voir où il était possible d'aller dans cette performance assez minimaliste. Et pour ma part, l'idée, c'était aussi de découvrir jusqu’où je pouvais aller en tant que musicien solo, avec les contraintes que je m'étais fixé. C'est un voyage qui est sans fin, y aura toujours moyen de faire de nouvelles choses, mais en tout cas, c'est un super espace d'expérimentation et pour le moment, ce n'est pas encore à l'ordre du jour, de changer cet état de fait. 

Est-ce que vous avez des nouveaux projets qui vont arriver ? 

C'est chouette que tu demandes parce que oui, justement, il y a une belle actu qui arrive prochainement. On est actuellement en train de finir de préparer le plan de communication d'une future collab qu'on a avec Chelabôm, un groupe de groove, new soul, hip-hop, de Bordeaux, qui sont des supers copains, très talentueux. Ils ont déjà sorti en EP ‘Mimosa’, il n'y a pas longtemps et c'est une collab sur laquelle on bosse depuis peut-être un an ensemble qui s’appelle Dame Rabia et qui sort le 3 juin prochain en clip et sur toutes les plateformes de streaming. On est très content parce qu'en plus, c'est un morceau qui nous tenait pas mal à cœur. C'est un morceau qui a beaucoup été porté par Perinne, la chanteuse des Chelabôm et qui est assez revendicatif, féministe, qui parle de la place du corps de la femme dans le regard masculin. Et donc, c'est un coup de gueule de sa part sur ça et c'est un plaisir de pouvoir l'accompagner dans ce coup de gueule parce que ce sont des valeurs, tant des Chelabôm que moi, - là pour le coup, c'est une collab que je fais en solo avec eux - des valeurs dont on est proche et qu'on soutient. Donc ça sort le 3 juin prochain sur toutes les plateformes de streaming. Il suffit d'aller voir sur nos réseaux sociaux : Titouan / Chelabôm 

Sinon on a pas mal de concerts dans le coin, très régulièrement, pas mal de concerts cet été, beaucoup en Gironde, dans toute la Nouvelle-Aquitaine est un peu le reste de la France. Et enfin, je suis aussi en train de travailler sur un prochain EP, un petit album de 6 titres qui viendra aller plus loin que la période du premier EP ‘Escales’ que j’avais sorti il y a un an et demi maintenant. Ça pour le coup, je ne préfère pas encore donner de date de sortie parce que c'est des projets qui ont tendance à prendre pas mal de retard, mais je pense que ça sera pour fin 2022 - début 2023. De toute façon, on se retrouve le 20. 

On peut retrouver le projet Titouan sur la scène de l’auditorium du Taillan-Médoc ce vendredi 20 mai !  

Propos recueillis par Emma Grandjean