Roseland, une artiste "pas du tout arrêtée à un style"


22 avril 2022

Artiste bordelaise, Roseland vient de sortir le 25 mars dernier, son nouvel album Unsaid Words. La chanteuse d’Eternal Eyes se raconte sur RTM. 

Est-ce que tu pourrais présenter un peu Roseland, l’artiste ?  

Roseland, je l'ai créé, il y a, je dirais cinq/six ans, fin 2016. J'avais plusieurs groupes avant : un groupe de rock, un duo et puis petit à petit l'idée a germé. J'avais envie de faire quelque chose toute seule, mon projet. Je faisais de la musique depuis longtemps dans ma chambre avec mon ordinateur, ma guitare et je n'avais pas vraiment mis de nom d’artiste dessus voilà et avec l'expérience des groupes et de la scène, je crois que je me suis un peu assumée et j'ai décidé de monter le projet.

D’où est-ce qu’il vient ton nom de scène ? 

En fait, je suis très fan de l’artiste Portishead, des Anglais et il y a un album qui s’appelle Roseland New York Live, et du coup, j'ai un peu piqué l'idée, j'aimais bien la consonance du mot, je trouvais ça doux et un peu mystérieux en même temps. C'était un hommage à ce groupe que j'aime.

Maintenant qu’on connaît Roseland, tu peux nous présenter Emeline (son vrai prénom) ?  

J'ai un parcours de musicienne assez classique, j'ai grandi dans une famille de musiciens, mon frère faisait de la musique, il en écoutait beaucoup, mes parents aussi donc j'ai naturellement été vers ça. Je ne me destinais pas vraiment à être musicienne, je voulais être journaliste enfin, j’ai été journaliste quelques années avant de me lancer vraiment professionnellement dedans et voilà, je ne regrette pas.

Quel est ton processus de création ? Tu commences par écrire les paroles ? Comment ça se passe ? 

Je n’ai pas vraiment de règles en fait. En tant qu’auditrice de musique, comme je ne comprends pas toujours bien l’anglais, je me rends compte de ce qui me touche en premier, c’est la musique. Donc je pense, qu’inconsciemment, je fais quand même la musique en premier. Ce que je fais souvent, c’est que je fais du yaourt, j’ai besoin d’avoir une mélodie de chant quand même pour partir de quelque chose. Voilà, je dis n’importe quoi, mais au moins, j’ai une idée de mélodie. Donc je fais toute la musique et après, je mets du texte et parfois, c’est assez compliqué d’ailleurs : essayer de trouver des mots avec un flow qui colle pile à ce que tu as écrit sur la mélodie, c’est pas évident.

Ton nouvel album, Unsaid Words il est entièrement en anglais - comme toutes tes chansons d'ailleurs - pourquoi ce choix ? 

Alors j'ai fait une chanson en français sur mon album d’avant. Je suis pas du tout fermée au français, au contraire, j'aimerais beaucoup écrire en français, mais je trouve que je ne suis pas assez bonne, enfin en tout cas, j'ai une exigence par rapport à ça et je n'y arrive pas. Et je trouve que l’anglais - c'est un peu enfoncer des portes ouvertes de dire ça - mais ça sonne mieux, en tout cas avec le style que je fais. Je ferai de la chanson, quelque chose de plus acoustique, peut-être que le français m’irait mieux, mais dans tous les groupes qui m'ont inspiré, qui font à peu près le même style que moi, c'est souvent de la musique anglo-saxonne en fait. Et puis, il y a quand même aussi cette distance de l'anglais qui fait que les gens ne comprennent pas forcément tout de suite ce que tu dis donc ça te protège un peu.

Comment tu qualifierais ton style de musique ?  

En fait ça évolue tout le temps. Je suis pas du tout arrêtée à un style en plus et je crois que c'est ce que j'aime bien dans le fait de composer de la musique. Même si après il ne faut pas partir aux antipodes complètement. Les gens me disent, c'est du rock avec des synthés. J'aime bien cette définition parce que je viens quand même du rock. J'ai fait de la guitare, c’est vraiment mon instrument de prédilection et j'ai vraiment grandi avec le rock. Mais là, depuis quelques années, le fait que je travaille avec de la MAO (musique assistée par ordinateur ndlr), donc beaucoup d'instruments virtuels, je me suis beaucoup ouvert à l’électronique. Donc, ouais, je dirais que c'est une sorte de rock électronique quoi. Mais j'aime beaucoup la pop aussi, je suis hyper attachée au couplet-refrain à ce format-là avec lequel j’ai grandi. Il y a des gens qui essayent de s’en défaire, moi, j'adore en fait, je trouve ça hyper bien. 

Quel est ton album préféré de tous les temps ? 

Le problème, c'est que ça change tout le temps. Je ne peux pas te dire lequel est mon préféré, mais j'ai un top trois quoi. Je mettrais un album de Radiohead : OK Computer. Je mettrais certainement, je ne sais pas si je mettrais l'album live Roseland ou peut-être Dummy (de Portishead ndlr), et puis après ça change tout le temps. Peut-être un album de PJ Harvey, encore que, ça change.

Dans ton nouvel album Unsaid Words, qu'est-ce que t'as voulu faire partager, quels thèmes as-tu voulu aborder ? 

C'est pas un album concept où il n’y a qu'un thème qui se déroule au fur des morceaux. Quoique, j’ai voulu, musicalement, que ce soit un disque un peu plus lumineux que ce que j’avais fait dans le passé. Après, dans les textes, c’est hyper varié : je vais parler du temps qui passe, beaucoup, parce que je suis assez angoissée, mais un peu quand même, à l'idée que, voilà, on se rapproche vers la mort. Mais je vais aussi parler de, dans Eternel Eyes, je me mets à la place d'une personne qui est condamnée à vivre dans l'espace et qui regrette sa vie sur Terre.

Je parle aussi de notre rapport à l'altérité, le fait qu'on a parfois du mal à communiquer les uns avec les autres et que c'est un problème de société actuelle. Je parle aussi de truc un peu cool, un peu plus positif : le fait de se sentir apaisé, d'être serein et de ne pas se prendre la tête parce qu'on est régi par un stress un peu prégnant partout, donc je me dis qu’un peu de légèreté ça fait du bien aussi. C'est assez varié finalement.

Si tu pouvais faire un featuring avec n'importe qui, ça serait avec qui ? 

C'est pareil, ça change vachement en fonction des disques que j’écoute. Je n'écoute pas énormément de disques à l’année, plus jeune, j’en écoutais à la pelle et là en vieillissant, j’en ai 5 par an et à chaque fois que j’écoute ces 5 disques, ce sont mes nouvelles idoles. Donc, en ce moment, j’écoute beaucoup un groupe de Brooklyn qui s'appelle Big Thief. La chanteuse s'appelle Adrianne Lenker et je suis juste hyper fan de cette nana. Elle joue super bien de la guitare, elle a une voix super cool et je l'admire, donc j'aimerais beaucoup jouer avec eux. Et je pense que c'est mon idole de l'année.

Dans ton nouvel album, c'est laquelle ta chanson préférée ? Celle qui a une histoire particulière ? 

En fait, c'est difficile de répondre parce que je ne sais pas si c'est le souvenir de l'avoir composé qui me fait l'aimer, ou c'est le résultat final ou si c'est le texte. Ce n'est pas facile de répondre, j'aime beaucoup Glide Time vers la huit ou la neuf du disque (piste 9 d’Unsaid Words ndlr) parce que justement, elle parle d'apaisement et je n'ai pas fait beaucoup de chansons qui parlent de choses un peu plus apaisantes. J’aime beaucoup le refrain, elle est douce. Ce n'est pas forcément la meilleure du disque en termes d’efficacité ou de sonorité, mais je trouve qu’elle dégage un truc apaisant à écouter. Je dirais peut-être celle-ci. Après ça change tout le temps, tu me demandes demain, je t’en dirais une autre.

Maintenant on va parler de la conception de l’album en termes de pochette, de distribution, de tout ce côté-là, qu'est-ce que t'as voulu changer depuis To Save What Is Left, ton précèdent album sorti en 2020 ? 

Alors, sur la pochette, l'album d'avant, c'était Julien Graizely, c'est un ami peintre qui l'avait fait. Je m'étais dit que j'allais refaire appel à lui pour le prochain parce que j'aime beaucoup ce qu'il fait et vraiment, tous ces tableaux sont géniaux et puis finalement ça ne s'est pas fait comme ça. J'ai perdu ma grand-mère il y a quelques années et en fouillant dans ses affaires, on a retrouvé une photo d'elle avec son mari donc mon grand-père, et je ne connaissais pas cette photo. C’était une vielle photo en noir et blanc et je les ai trouvés très beaux, ils étaient jeunes sur la photo, ils avaient trente/trente-cinq ans et je l'ai trouvé très belle. Je me dis : tiens, je vais faire une pochette d'album avec cette photo. Puis après, j’ai pris des filtres, je l’ai un peu déstructuré, je l’ai modernisé, on va dire avec couleurs qui me correspondent plus. J'aimais bien ce que ça dégagé parce qu'elle a un côté un peu intemporel avec les effets que j'ai mis et leur jeunesse. Ça marchait bien avec les thèmes aussi abordés dans le disque. Pour la pochette, c’est ça.

Après, pour la musique, j'ai un petit peu changé ma manière de composer par rapport à l'album d'avant où j'étais parti sur des vieilles chansons parfois d'autres plus récents donc c'était un patchwork un peu de chansons. Là, j'ai vraiment tout composé dans une période bien définie, c'était pendant le confinement essentiellement. J’en ai beaucoup composé, une trentaine donc j'ai tout gardé donc j'avais une cohérence quand même qui était déjà là. J'ai aussi voulu que les chansons, par rapport à mes débuts, soient facilement jouable guitare/voix ou piano/voix. Parce que j'ai toujours tendance à composer avec l'ordinateur et pas forcément avec un instrument dès le départ et là, je voulais que, sans trop de machines derrière, je puisse quand même les jouer devant quelqu'un facilement. Donc la plupart des chansons étaient composées guitare/voix ou piano/voix. C’est peut-être ce qui donne leur côté un peu plus fluide quelque part. 

Sur la scène actuelle, tu te sens proche de qui ?  

C’est assez bizarre, parce que j’écoutais beaucoup beaucoup de rock et en vieillissant, j’en écoute vachement moins. J’ai plus d’affinités avec des synthés, mais il faut quand même qu’il y est de la tension et un truc un peu brut donc ça va être très large. Je me sens aussi bien proche d’un groupe comme Idles par exemple qui est du punk, vraiment du gros punk ou des artistes comme Sharon Van Etten, Big Thief, beaucoup de figures féminines, St. Vincent par exemple. Ce sont des personnes qui ont des visions globales de leur musique et j’aime bien leur vision, justement d’un projet artistique au sens large. C’est un truc que j’aimerais avoir, en tout cas, ça m’inspire. 

Dans 5 ans, idéalement, qu’est-ce que tu serais en train de faire ? 

J'espère que je serais toujours en train, de faire de la musique, j’en ferai, est-ce que j’en vivrais encore ça, personne peut vraiment savoir ça, mais j’aimerais bien continuer ouais. À faire des scènes, collaborer avec d’autres gens aussi ça me plairait, alors qu’avant, j’étais pas du tout dans ce truc-là. Je voulais m'affirmer moi, rester dans mon truc et maintenant, je sais pas si c'est en vieillissant ou en ayant un peu d'expérience, j'ai envie de m’ouvrir à d’autres collaborations. 

On peut retrouver Roseland le 26 avril sur la scène Blonde Venus de l’Iboat à Bordeaux pour la Release Party de son nouvel album Unsaid Words !  

Propos recueillis par Emma Grandjean